vendredi 17 mars 2017

Les Fratellini à Genève


Albert, François et Paul Fratellini

Textes Francois Beuret, illustrations Philippe Ros

Ceux que l'on surnomme « les rois du rire », les Fratellini, se sont produits à Genève en 1925, 1926, 1933 et 1935, pour le plus grand plaisir des Genevois. Non pas dans une piste de cirque mais dans un théâtre, celui de l'Alhambra. 


Premier trio 

En 1915, en pleine Première Guerre mondiale, un trio de clowns d'origine italienne, les Fratellini, remporte un grand succès au Cirque Medrano à Paris, succès qui ne fera que s'amplifier et s'étendra à toute l'Europe. Paul, François et Albert Fratellini forment le premier trio clownesque de l'histoire et adaptent pour le jeu à trois celui prévu pour le duo classique du clown blanc et de l'auguste. Le public est séduit par leur élégance, leur complicité (ils sont frères) et leur créativité : leur répertoire d'entrées semble infini (leur programme au Cirque Medrano change toutes les deux semaines, comme celui de cet établissement). Les Fratellini deviennent des vedettes et certains spectateurs se rendent au cirque uniquement pour voir leurs entrées.

Affiche du théâtre de l'Alhambra

En tournée 

Pendant presque 30 ans, parallèlement à leurs engagements durant l'hiver à Paris au Cirque Medrano puis au Cirque d'Hiver, les Fratellini effectuent des tournées dans toute l'Europe. A plusieurs reprises (1925, 1926, 1933 et 1935), celles-ci passent par la Suisse et par Genève. Les célèbres clowns s'y produisent pour la première fois du 12 au 18 août 1925, à l'Alhambra, une salle de théâtre et de music-hall servant aussi de cinéma construite entre 1918 et 1920. Lors des quatre séjours du trio à Genève, le succès est au rendez-vous, tant du point de vue de l'affluence que de la satisfaction des spectateurs. Le 17 juillet 1926, le journaliste du Journal de Genève parle ainsi des Fratellini : « L'ascendant que ces trois étonnants bonshommes exercent sur le public est décidément infaillible ! Il leur suffit de paraître pour qu'aussitôt une salle leur appartienne et soit prête à les suivre partout où leur débordante fantaisie voudra aller. Ils n'ont encore rien dit, ils n'ont encore rien fait, que déjà, sur chaque visage, on lira cette bienfaisante détente si propice au rire. (...) La valeur des Fratellini est ainsi double. D'une part, ils ont, avec le sens inné du comique, une intelligence vive qui leur permet d'inventer des entrées dont plusieurs sont restées célèbres et ont été imitées par les clowns du monde entier ; d'autre part, ils possèdent pour l'exécution de ces tours, une technique en tout appropriée et admirablement exercée. Leur numéro, qui dure près d'une heure, est réalisé de la sorte sans aucune bavure, dans un mouvement des plus vifs (...). Le succès des Fratellini a été considérable et consacré par une salle comble et des plus élégantes ».

Carte postale Albert Fratellini

Une affaire de famille

Pour applaudir le trio clownesque, le public doit attendre la deuxième partie de la soirée. La première partie est constituée d'une dizaine de numéros de cirque et de music-hall assurés par des membres de la famille Fratellini, rarement annoncés comme tels mais simplement désignés comme « une troupe de cirque de premier ordre ». Il s'agit des enfants d'Albert, Paul et François dans des numéros d'acrobatie, d'antipodisme, de danses excentriques ou encore de théâtre de marionnettes. En 1933 à Genève, sous le nom des Kraddock, les quatre fils de François, Enrico, Albertino, Paolino et François junior présentent dans cette première partie leur numéro d'acrobates-cascadeurs-clowns en habits de marins avec lequel ils seront engagés plus tard chez Knie (1942 et 1962). Ainsi, ce ne sont pas moins de 19 personnes qui se déplacent de villes en villes, avec un nombre impressionnant de bagages, atteignant 2000 kilos selon Albert Fratellini1. Il faut 
dire que les trois clowns utilisaient de nombreux accessoires, qu'ils fabriquaient en partie eux-mêmes. D'ailleurs, leur loge au Cirque d'Hiver était une véritable caverne d'Ali Baba. 

Carte postale Francois Fratellini

Générosité 

Depuis 1909, les Fratellini avaient l'habitude d'offrir dans chaque ville où ils séjournaient une représentation à des enfants malades ou défavorisés. Leurs séjours genevois ne dérogent pas à la règle : en 1925 et 1926, leur dernière représentation a été offerte aux enfants orphelins des hospices du canton. A Lausanne en 1935, les Fratellini se sont même directement rendus à l'Hospice orthopédique et à la Clinique infantile (Gazette de Lausanne, 20.06.1935).

Carte postale Paul Fratellini

Risque de confusion 

En 1926, la proximité entre les séjours à Genève du cirque Knie et des Fratellini oblige ces derniers à préciser dans la presse « qu'ils ne débuteront à Genève que le 16 juillet (...). Les Fratellini ne font donc pas partie du programme d'autres entreprises de cirque voyageant en Suisse » (Journal de Genève, 01.07.1926). Précision d'autant plus utile que le nom des clowns du cirque Knie, les Cavallini, avait une consonance proche de celui des Fratellini. 
François Beuret, décembre 2016 
Spectacles des Fratellini à Genève, à l'Alhambra : 
12-18 août 1925 
16-22 juillet 1926 
17-23 juin 1933 
08-12 juin 1935 
Les Kraddock - Fratellini se sont aussi produits à Genève à quelques reprises : 
-septembre 1946, au Palais d'Hiver (actuel Palladium) 
-début 1951 puis du 3 au 9 août 1951 au Casino (actuel Casino-Théâtre)

Sources : 

Le Journal de Genève et La Gazette de Lausanne (numérisés) 
Albert Fratellini, Nous, les Fratellini, Paris, Cartouche, 2009

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